Mes premiers amours avec l’île de Sein.
Mon premier contact avec l’île de Sein remonte à l’hiver 1979. J’étais venu faire connaissance avec ce gros caillou semblant à la dérive en Mer d’Iroise pour en réaliser une carte illustrée commandée par les éditions Jos.
La traversée sur l’Enez Sun de l’époque s’effectua dans une brume tombée après une série de coups de vents. Seule la houle tenait bon et me rappelait que Sein était une véritable île cernée par l’océan.
Lorsque le «courrier» a pu retrouver la vue dans cette brume persistante, ma première vision de l’île fut celle du port puis plus précisément la cale de la gare maritime où nous accostions. Autant dire que je n’ai rien vu du Cap Sizun ni des abords rocheux de l’île.
Toutefois dans cette grisaille humide à souhait, le traditionnel comité d’accueil était à poste. Les plus hardis campés sur leurs espars dont l’angle est savamment calculé pour parer à un mauvais coup de roulis, ou bien l’épaule calée contre le béton nu du petit bâtiment d’aspect désordonné, gris lui aussi, par habitude d’y trouver la meilleure protection contre le vent. Le tout dans un camaïeu de bleus-gris délavées, cols de vraies vareuses relevés et mains enfouies au plus profond des poches tout aussi usées que le reste de ces ensembles vestimentaires de circonstance.
Le temps de prêter attention à la délicate descente de coupée à la stabilité toute relative, ce beau petit monde disparaissait déjà dans la brume qui commençait à se dissiper. Sans doute étaient-ils venus glaner quelques nouvelles fraîches du continent, s’assurer que le «courrier» ne les avait pas oubliés, ou assister au seul évènement notable de la journée? Ou peut-être pour ces trois raisons...
Je pensais qu’au terme de cette première traversée le vacarme du moteur et celui de la houle venue frapper la coque en bois de l’Enez Sun laisseraient place à une journée calme, loin des bruits ambiants du continent. Mais durant toute la journée je dus supporter la symphonie sans fin des galets que la houle continuait de faire grincer sur les nombreuses grèves de l’île.
Ma visite fut toutefois des plus calmes. Les ruelles désertes ne m’ont offert à l’heure des courses que de rares occasions d’apercevoir des silhouettes noires tranchant avec le gris du ciel et des habitations. Mais ce fut aussi la seule fois où j’ai pu apercevoir la coiffe de l’île que quelques Sénanes portaient encore à cette époque. Je dois dire que j’ai aussi croisé à une dizaine de reprises les 4 ou 5 autres passagers qui étaient sur le courrier du matin avec moi. C’était des ouvriers du bâtiment.
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Je ne renouai avec Sein qu’en 2003 à l’occasion d’un réveillon marqué par une météo des plus vivifiantes. Les silhouettes aux coiffes noires et les vareuses délavées avaient disparu. Les habitations commençaient à prendre des couleurs. Des commerces destinés aux touristes s’y étaient installés. Mais la multitude de gris et les lumières si particulières à Sein n’avaient pas changé.
Quelques année après j’éditais un petit carnet illustré et y présentais une expo d’aquarelles à l’hôtel d’Ar-Men.
Mes premiers souvenirs sur l’île puis mes séjours, principalement en «basse saison», continuent à nourrir cette envie de décortiquer ce petit morceau de terre déchiquetée qui s’obstine à émerger de la chaussée de Sein.
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